mardi 7 février 2012

Critique littéraire : Raging Bull : My Story par Jake La Motta

Avec ce livre sous le bras, Robert De Niro est allé voir Martin Scorsese pour lui proposer d’en faire un film qui deviendra culte. Et en effet, la vie de Jake La Motta est une épopée digne des meilleures fictions.

« J’ai eu dans ma vie des hauts plus hauts que la plupart des gens. Mais aussi des bas plus bas. » Imaginez un jeune de seize ans, si pauvre qu’il doit voler une dinde pour Thanksgiving, au cœur de la grande dépression des années 30. Il est délinquant. Il passe 18 mois dans une maison de redressement. Heureusement il a un don qui commence comme une malédiction. Son père, violent et dur, le fait combattre dès huit ans dans des bouges pour une poignée de dollars. Ainsi, très jeune, comme Marcel Cerdan dans un contexte très différent, il développe le sens du combat à mains nues. Après la maison de redressement, il se lance dans une carrière pugilistique effrénée qui, à force de persévérance et de sacrifices, le mène au titre de champion du monde des poids moyens. Il devient pour sa plus grande gloire, the champ.

La Motta, c’est le miroir de l’âme humaine, faite de grandeur, mais aussi d’une bassesse abjecte. Dès seize ans, il bat à mort un bookmaker pour le dépouiller. Il en éprouve certes des remords. Par contre, quand il se réveille d’une cuite formidable, avec sa femme inconsciente à ses côtés, il ne se rappelle plus l’avoir tabassée. Il la croit morte et tout ce qui le chagrine, c’est de devoir passer trois ans derrière les barreaux, pour une querelle d’ivrogne. Cela flanquerait en l’air sa carrière pugiliste. Pire, quelques années plus tard, il viole une femme. Et le seul remord qu’il en éprouve, c’est qu’elle était vierge. Il est désolé. Désolé. On notera au passage que la confession de ce viol illustre la profonde sincérité de l’auteur.

Comme une caricature, une fois qu’il est champion, il se laisse aller. Comme beaucoup d’hommes - mais avec excès, car c’est un personnage de la démesure en tout au point qu’il frôle l’aliénation mentale - il n’a plus qu’une passion double : booze and broads. L’alcool et les filles…

Outre les péripéties de sa vie, ce qui rend l’ouvrage édifiant, touchant et assez profond, ce sont les réflexions presque philosophiques qui le parsèment. Car La Motta, qu’on imagine intellectuellement limité, est aidé par deux nègres déclarés, deux ghostwriters, comme disent plus élégamment les Américains : Joseph Carter, écrivain et journaliste, ainsi que Pete Savage, son ami d’enfance. Celui qu’il a tabassé un jour parce que, jaloux maladif, il croyait que Pete couchait avec sa femme. Quand on dit que cet homme est une caricature !

À trois, les auteurs ont fait un sacrément bon boulot. Ils nous invitent à réfléchir sur la condition humaine, qui oscille entre les élévations de l’âme et les bassesses animales. Le taureau du Bronx, on l’appelait, pour ses prouesses sur le ring. En dehors du ring aussi, on serait tenté de le traiter de bête. De bête grandiose.

   

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1 commentaire:

  1. Encore une fois cette critique donne envie de lire la vie de Jack La Motta by himself... et/ou de revoir le film de Scorcese
    Bravo

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