mercredi 27 juin 2012

Critique de : La position du tireur couché (bande dessinée)


D’après le roman de : Jean-Patrick Manchette
Adaptation et dessin : Tardi
Date de parution : 2010
Genre : bande dessinée noire, néo-polar
 
On appelle parfois la bande dessinée le roman graphique. C’est bien le cas ici, puisque cette BD est tirée d’un roman de Manchette, qui fut le chef de file du genre néo-polar en langue française dans les années soixante-dix.

Du roman, Tardi tire des textes narratifs à la troisième personne, assez peu usités en BD, mais qui collent parfaitement à l’histoire. Les personnages possèdent une profondeur psychologique digne d’un roman.

Du graphique, Tardi dégage une ambiance glauque et saisissante grâce à son dessin en noir et blanc. Les rues de Paris sont admirablement rendues, sublimées même. Les personnages possèdent une présence, une tronche marquante.

Les ingrédients classiques du roman bien noir sont présents à forte dose : sexe, alcool, tabac, armes à feu, bagarres, tortures, tueries…

C’est l’histoire d’un jeune gars qui se donne dix ans pour faire fortune. À tout prix. Il devient tueur à gages. Mais quand il veut se prendre sa retraite, fortune faite, son employeur n’est pas d’accord.

On retrouve les thèmes certes classiques, mais toujours prenants de la traque, du complot, de la spirale de la vengeance.

Le personnage principal est un tueur amoral et inhumain. Pourtant, même les humains les plus inhumains (selon le jugement de la société) ont quand même des sentiments humains. La faiblesse de notre héros qui l’humanise à nos yeux, c’est l’amour. Il est parti faire fortune pour plaire à une jeune fille de riche (au passage un petit thème social). Il lui a demandé d’attendre dix ans. Évidemment, elle n’a pas attendu. Pourtant, il l’aime encore, il s’accroche à elle tandis que son employeur s’ingénie à lui pourrir la vie. Personne ne l’aime finalement, ce pauvre garçon. Ce désamour, à sa façon il le rend bien…

Un autre thème intéressant, grandeur et décadence, est traité de façon particulière, que je vous laisse découvrir.

En conclusion, une excellente bande dessinée qui démarre très classiquement, mais qui au fil de l’histoire démontre une profondeur certaine. Elle ne sombre assurément jamais dans le manichéisme ni la morale archaïque.

Pour lecteurs avertis.






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2 commentaires:

  1. Franchement, j'aurais vu quelqu'un de moins "réaliste" que Tardi pour reprendre La position du tireur couché"...
    Ceci parce que j'ai toujours trouvé qu'il y avait quelque chose de décalé par rapport au réel dans les intrigues de Manchette, qui donnait une profondeur supplémentaire, comme s'il ne racontait pas seulement une histoire, mais quelque chose de la vie incertaine, débordée par elle-même, de chacun de nous.
    Et puis j'aime pas trop qu'on reprenne les auteurs que j'aime, voilà.

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  2. C'est très intéressant ce que vous écrivez, Alain :
    " quelque chose de décalé par rapport au réel dans les intrigues de Manchette, qui donnait une profondeur supplémentaire, comme s'il ne racontait pas seulement une histoire, mais quelque chose de la vie incertaine, débordée par elle-même, de chacun de nous. "
    C'est ce qu'essaient de transmettre beaucoup d'auteurs, une profondeur supplémentaire, comme vous dites, pour émouvoir et transmettre une certaine image de la vie.

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