mardi 2 octobre 2012

Critique : Pacifico, de Comte Kerkadek


Pacifico est le premier roman du Comte Kerkadek publié au format numérique par les dynamiques Éditions de Londres.

L’histoire loufoque est une suite de péripéties rocambolesques et surréalistes qui, en comparaison, catapulte les pieds nickelés dans la catégorie des œuvres d’introspection psychologique. Deux jeunes Français exilés aux États-Unis (car la recherche d’emploi en Royaume de France se situait à mi-chemin entre la flûte de Pan station Glacière et la mendicité) travaillent dans une chaine de fast-food. Or il vient à leurs oreilles que le fondateur de cette chaine, un nain qui a disparu du jour au lendemain, détiendrait un manuscrit ésotérique qui explique le sens de la vie.

Pacifico est un roman drôlement noir, c’est-à-dire bourré d’humour (noir) et en même temps empreint d’un pessimisme nihiliste (le pire est à crainte quant au sens de la vie), certes réaliste mais dévorant. Pour paraphraser un chanteur, l’auteur joue de la dérision comme d’un fusil de précision, voire parfois d’un lance-flamme qui ne grille pas que les poulets du fast-food.

Voici une très juste description de la France, pays d’origine du Comte, qui illustre le sens de la métaphore de l’auteur :

Notre République aux institutions trop grandes pour son corps, trop étriquées pour son âme, une sorte de pays médiocre passé au régime Weight Watchers de l’Histoire mais sans un sou vaillant pour refaire sa garde-robe oubliée sur des cintres comme des libertés à des crocs de boucher.

L’Amérique, terre d’aventure de nos antihéros, n’est pas en reste :

La bouffe américaine était à l’image de sa classe moyenne : copieuse, gueularde et sans imagination. Elle était égalitaire, économique, une bouffe rapide et efficace, sans préambules. Une bouffe pornographique.

Le récit fleure bon les idées libertaires :

Le dossard socialiste, c’était la meilleure invention de la bourgeoisie pour ne rien changer à une société figée.

— Tous perpétuent la même oppression, dit Léo, Bakounine appelle cela « la fiction liberticide du bien public représenté par l’État », Hölderlin parle du pêché qui consiste à faire de l’État une école des mœurs, et déplore que l’homme ait fait de l’État un enfer, à vouloir en faire son paradis.

Mais comme disait Céline, les idées, c’est pas le plus important. On en trouve des tonnes dans l’Encyclopédie. Ce qui compte, c’est le style. Or notre aristocrate fait preuve dans ce domaine d’une facilité qui tutoie la virtuosité. Il passe avec fluidité de l’élan lyrique à la description poétique puis enchaine par une logorrhée contrôlée. Contrôlée, car contrairement au jeune Spiderman qui découvre ses balbutiants superpouvoirs, notre noble superhéros de la plume acerbe sait tisser la toile capable de retenir le lecteur. Exemple :

On croisa des individus d’un autre âge, enfants couverts de brûlures, cherchant l’éther dans des sacs, putains décharnées, clochards analphabètes, des paquets de nerfs et de sang bercés par une bise tuberculeuse, tourbillonnant dans un abysse noir à la rencontre des monstres oubliés de la création, des créatures macrocéphales au sang ammoniaqué, ramenés à la vie par des cauchemars nuit de poudre blanche.

On se régale à la lecture de cette œuvre originale, burlesque et mélancolique à la fois, sublimée par un style éblouissant.

Allez, je ne résiste pas à une petite dernière :

J’ai connu une fille qui était si courte sur pattes qu’elle faisait les pompiers sur une échelle.

 

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1 commentaire:

  1. Encore une critique qui donne très envie de lire ce livre qui est dans la verve de Céline.

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